« Les Arméniens et la République socialiste d’Arménie»

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 Les Arméniens sont d’origine indo-européenne et de confession chrétienne. Ils occupèrent dans l’Antiquité, en partant d’une implantation autour du lac de Van (actuelle Turquie), une aire géographique étendue de la Caspienne au Caucase, la Grande Arménie, qui incluait l’Azerbaïdjan actuel.

 Après la chute de son royaume sous le choc des armées de Pompée, l’histoire de l’Arménie, prise entre les rivalités des grands empires rivaux, romain, parthe, byzantin, arabe, ottoman, persan, russe, est une succession de phases d’indépendances, de dépendances et de partages.

 L’expansion russe au Caucase (à partir de la fin du XVIIIe siècle) et le génocide des Arméniens de Turquie en 1915 situent définitivement le centre de gravité du pays à l’Est du fleuve Araxe, dans le Caucase. La région arménienne de l’Empire russe est instaurée en 1828.

Elle est remplacée par une vice-royauté du Caucase divisée en plusieurs gouvernements, dont celui d’Erevan qui forme la base territoriale de l’actuelle Arménie.

Dans ce territoire, les Arméniens ne deviennent majoritaires qu’en 1914. Lors de la Révolution russe, l’Arménie accède à une éphémère indépendance et finit par être soviétisée à la suite de difficultés de toutes sortes et de considérations diplomatiques et géopolitiques.

 L’Arménie devient la cinquième république soviétique le 29 novembre 1920

De 1922 à 1936, elle est une des républiques de la Transcaucasie, avec la Géorgie et l’Azerbaïdjan.

 En 1936, l’Arménie devient une République socialiste soviétique (RSS) à part entière.

 La RSS d’Arménie est la plus petite des 15 républiques soviétiques. Elle est enclavée, entourée par la Turquie, la Géorgie, l’Azerbaïdjan et l’Iran.

C’est la plus densément peuplée.

 Bien que son peuplement soit très homogène (89,7% d’Arméniens, 5,3% d’Azéris, 2,3% de Russes, 1,7% de Kurdes), de nombreux Arméniens vivaient dans d’autres républiques du Caucase : en Transcaucasie (140.000 dans le Haut-Karabagh, 540.000 en Azerbaïdjan, 455.000 en Géorgie, puis en Adjarie1 (172.000) et au Turkménistan (quelques milliers).

  Les Arméniens sont donc en contact, sur différents territoires, avec les Azéris, autrefois appelés Tatars, issus d’anciens peuples du Caucase, de langue turque et de religion musulmane chiite.

 La question du Haut-Karabagh

La question nationale arménienne est demeurée non résolue du temps de l’URSS.

En témoignent les mutilations territoriales du pays et l’ampleur de sa diaspora (moins de la moitié des 6 à 7 millions d’Arméniens vivent dans la République d’Arménie). Elle s’est focalisée sur la question du Haut-Karabagh (Artsakh en arménien).

 Le Karabagh est généralement considéré comme ayant fait partie de la Grande Arménie de l’Antiquité. Toutefois, certains historiens affirment qu’il faisait en réalité partie d’un royaume chrétien aujourd’hui disparu, l’Albanie du Caucase.

 Cette région a en tout état de cause adopté la chrétienté arménienne et, du fait de l’importance du facteur religieux, la population albanaise (à ne pas confondre avec les Albanais d’aujourd’hui) et la population arménienne se sont mêlées sur ce territoire, conduisant, au VIIe siècle à la disparition d’une identité albanaise distincte.

 Le Karabagh fut ensuite occupé par les Arabes, les Mongols, les Turcs, les Iraniens et les Russes. Des Arméniens en provenance de Turquie ont été réinstallés dans cette région et alentour par les Russes au début du XIXe siècle, notamment afin de créer une zone tampon peuplée de chrétiens entre les Azéris du Caucase et ceux de Turquie et d’Iran.

 Ainsi se constitue, en Transcaucasie, une zone de peuplement mixte Arméniens-Azéris. Les Arméniens s’installent dans les villes (Erevan, Chouchi, Tbilissi, Bakou) et cohabitent d’abord pacifiquement avec les paysans musulmans.

 L’équilibre se rompt après les massacres d’Arméniens en Turquie en 1895. Les partis politiques arméniens se créent et se développent.

 Lors de la première révolution russe de 1905, des affrontements ont lieu, suscités soit par des chefs locaux Tatars, soit par les autorités tsaristes.

 Ripostes et contre-ripostes engendrent émeutes et massacres.

 Il y aura des milliers de morts, Azéris et Arméniens. C’est ce qu’on appelle la «guerre arméno-tatare ».

 Elle prend fin en 1906 et laisse à chaque communauté le sentiment d’avoir été persécutée par l’autre. Elle favorise la montée en puissance du parti Dachnak, leader de la guerre anti-azérie et fer de lance de la révolution dans le Caucase.

 Vient ensuite le génocide en Turquie et l’arrivée d’Arméniens pour qui les Azéris ne sont rien de moins que les frères de leurs oppresseurs, parlant la même langue et ayant la même religion.

Les affrontements seront dès lors fréquents entre les deux populations.

De 1918 à 1920, les républiques indépendantes d’Arménie et d’Azerbaïdjan se sont disputé le contrôle du Karabagh, pour des raisons symboliques et stratégiques.

Des pogroms et des incendies anéantissent le quartier arménien de Chouchi en février 1920.

 Cette même année, Erevan accepte de se joindre à l’Union soviétique à condition que le Haut-Karabagh soit intégré à l’Arménie.

Cette promesse n’est tenue que jusqu’en 1921 par Joseph Staline, le Commissaire aux nationalités de l’époque ; l’URSS avait besoin du soutien de la Turquie, favorable au rattachement du Karabagh à l’Azerbaidjan, et de l’équilibre des forces à l’intérieur de l’Union, le Haut-Karabagh, peuplé en grande majorité d’Arméniens, revient à l’Azerbaïdjan.

 C’est ainsi que la RSS d’Azerbaïdjan avait deux territoires formant des sous-divisions: une RSSA (le Nakhichevan, autrefois partie de la Grande Arménie et enclave azérie en Arménie) , et une RA (le Haut-Karabagh, enclave arménienne d’environ 4400 km² en Azerbaïdjan, au sud-ouest de Bakou, séparée de l’Arménie par une étroite bande de terrain à peine large de 10 kilomètres).

  Le Haut-Karabagh avait cinq zones administratives : Askeran ( parfois appelé Askaran), Hadrout (ou Gadrut ou Gadrout), Martakert (ou Merakert), Martouni ( ou Martuni) et Chouchi.

  La guerre du Haut-Karabagh

Les Arméniens soulignent que des violences ont eu lieu contre eux au Karabagh soviétique notamment en 1929 et 1964. Ils relèvent des discriminations culturelles croissantes relayées par un mouvement pro-turc en Azerbaïdjan et de fait les tentatives d’assimilation répétées du gouvernement azéri ont provoqué le mécontentement, par ailleurs encouragé par le nationalisme arménien.

 La première pétition réclamant le rattachement du Haut-Karabagh à l’Arménie a été adressée à Khrouchtchev le 19 mai 1963 par 2500 Arméniens de la région autonome. Par la suite, un courant politique fort en Arménie soutient cette revendication, fondée sur le droit à l’autodétermination, un courant inverse se développant en Azerbaïdjan, fondé, tout comme le refus des autorités soviétiques, sur l’intangibilité des frontières.

 Le mouvement s’accentue avec la perestroïka, les Arméniens manifestant notamment contre la mainmise de plus ne plus forte de Bakou sur le Karabagh.

 En février 1988, 100.000 manifestants défilent à Erevan pour demander le rattachement à l’Arménie et il se crée à Erevan un Comité Karabagh, formé d’intellectuels.

Le 20 février 1988, le Soviet suprême du Haut-Karabagh adopte une résolution demandant le transfert de la région à l’Arménie.

 Le 28 février 1988, à Soumgaït (banlieue de Bakou), des Azéris se lancent dans un véritable pogrom contre des civils arméniens. Le bilan est de 32 morts parmi les Arméniens.

La majorité des 18.000 Arméniens résidant à Bakou s’enfuient.

Des affrontements ont également lieu dans les zones rurales entre Arméniens et Azéris.

Dès lors, l’Arménie expulse sa population azérie à partir de d’automne 1988.

 En 18 mois, presque tous les 195.000 Azéris d’Arménie sont expulsés ainsi que 300.000 Arméniens d’Azerbaïdjan.

 Pour en savoir plus :  voir le livre :

 http://www.armenews.com/IMG/Ex-URSS_- situation_des_refugies_et_deplaces_d_origine_armenienne_sur_le_territoire_de_l_ex-Union_sovietique_1_.pdf

 Bibliothèque d’ouvrages parus en France :

http://www.imprescriptible.fr/archives/france/index_10_fr.htm

 Dès novembre 1988, le Comité Karabagh appelle à la constitution de milices et de groupes d’autodéfense en réaction à ces pogroms. La principale milice, l’Armée nationale arménienne, fondée en 1989 par Razmik Vasilyan, regroupait 6000 hommes appelés Fedayi (combattants).

Il s’agissait de volontaires, essentiellement recrutés dans le Haut-Karabagh, encadrés par d’anciens vétérans de la guerre d’Afghanistan et d’une partie des 40.000 militaires d’origine arménienne servant dans l’ex-armée rouge.

 Une Commission spéciale d’administration du Karabagh est mise en place par les autorités soviétiques en janvier 1989. En août 1989, l’Azerbaïdjan isole le Karabagh.

 En réponse, l’Arménie sabote les voies de communication entre l’Azerbaïdjan et le Nakhitchevan. Le blocus azéri, fait avec l’aide de la Géorgie, est cependant le plus efficace et il paralyse l’Arménie. Le Parlement arménien déclare l’union du Karabagh et de l’Arménie le 1er décembre.

En réponse, des attaques azéries ont lieu sur les districts de Xanlar (ou Khanlar) et

Chaoumian (Shaumyan en azéri ), contre des villages arméniens.

 Les négociations échouent et les 13 et 14 janvier 1990, la communauté arménienne de Bakou est frappée par un autre pogrom. L’état d’urgence est décrété et l’armée soviétique intervient, officiellement pour restaurer l’ordre et sauver des vies arméniennes. Bakou est bombardée.

Ce mois de janvier, dit «janvier noir » fait 170 morts, 370 blessé et 321 disparus. Le Parlement azéri supprime le statut d’autonomie du Karabagh en août.

 En janvier 1991, le parlement azéri dissout le district arménien de Chaoumian et l’annexe àcelui de Kassum-Ismailov. Les premiers mouvements de population ont lieu au printemps 1991 quand les troupes azéris déportent les habitants de 24 villages arméniens des districts de Chaoumian, Xanlar, Hadrut et Choucha.

Environ 10.000 d’entre eux devront fuir, essentiellement vers d’autres villes et villages du Haut-Karabagh.

 En août est déclarée l’indépendance de l’Azerbaïdjan. En septembre le Haut-Karabagh et le district dissous de Chaoumian déclarent leur indépendance à l’égard de l’Azerbaïdjan.

 Les frontières de ce nouvel Etat correspondent à celles du Karabagh et de Shaumyan.

Des bombardements commencent depuis les secteurs azéris. La tentative d’administration directe soviétique a duré jusqu’en novembre 1991.

 Le coup d’Etat en Russie en août 1991, suivi des déclarations d’indépendance sonnent le glas de l’URSS.

Le 10 décembre 1991, les Arméniens organisent un référendum au Haut-Karabagh sur l’indépendance et celle-ci est déclarée le 6 janvier 1992.

Le 29 février les forces russes reçoivent l’ordre d’évacuer la région.

 Une offensive militaire azérie est lancée début février 1992. Appuyés par des bombardements, des centaines de militaires et quelques blindés avancent dans l’enclave, à partir du nord.

Les forces d’auto-défense du Haut-Karabagh ripostent avec l’aide d’une division d’infanterie russe. Elles prennent Chouchi le 8 mai et le corridor de Latchine (ou Lachin) le 18 mai afin de briser le blocus. Ces offensives conduisent au déplacement hors du Karabagh de la quasi totalité de la population azérie notamment des villes de Chouchi, Khodjaly et Latchine.

  Une contre-offensive azérie en juin reprend près de la moitié du Karabagh et déplace 50 à 70.000 Arméniens sur Stepanakert. La mobilisation générale est décrétée en août dans le Haut-Karabagh.

Durant l’année 93, les forces de défense du Haut-Karabagh, armée régulière organisée cette même année par le Comité de défense avec les fedayi des anciennes milices, reprennent les territoires conquis par l’Azerbaïdjan puis s’engagent en territoire azéri, après la prise de la ville de Kelbadjar (3 avril).

 Des centaines de milliers de personnes fuient les combats.

En  juillet et septembre, les forces arméniennes du Haut-Karabagh prennent Agdam, Fizuli et Jebrail, occupant ainsi des territoires azéris adjacents du Haut-Karabagh et forçant au déplacement environ 600.000 Azéris. La contre-offensive azérie est un échec.

 L’arrêt des combats a été obtenu par les Russes en mai 1994.

Le cessez- le- feu est toujours en vigueur et il n’y a plus que quelques escarmouches dans les zones frontalières.

Cependant la paix n’est pas signée, aucun accord n’ayant encore été trouvé sur le sort du Haut-Karabagh, république autoproclamée, non reconnue sur le plan international.

 La plupart de ceux qui ont été expulsés du Haut-Karabagh y sont revenus à la faveur des victoires arméniennes.

Entre 1988 et 1994, les Azéris ont été 167.000 à être chassés d’Arménie, 40.000 du Haut-Karabagh et entre 480.000 et 530.000 à être déplacés de sept autres provinces occupées désormais par l’Arménie. La vague la plus importante a eu lieu en 1993, avec l’offensive sur Lachin et les provinces de Kelbadjar, Agdam, Fizuli, Jebrail, Qubatli et Zangelan. Leurs maisons ont été pillées et détruites.

 II. SITUATION ACTUELLE

 En 1996, on estimait que la majorité des 350.000 Arméniens ayant fui la violence étaient en Arménie comme réfugiés et que les 750.000 Azéris, pour la plupart déplacés, résidaient en Azerbaïdjan. Cependant, le HCR estime qu’un nombre non définissable d’entre eux se trouvaient en Russie ou dans d’autres pays de l’ancienne URSS.

 Les Arméniens d’Azerbaïdjan, majoritairement russophones ont sans doute en nombre gagné la Russie.

Cette arrivée était, pour la Russie, le premier flux de réfugiés depuis la Seconde guerre mondiale.

Une partie enfin a quitté la CEI.