Arno Haroutioun Babadjanian

Compositeur et pianiste - Né à Erevan le 22/1/1921, mort à Moscou le 15/11/83


Les visiteurs qui entraient chez Babadjanian remarquaient d'abord sa peinture, et particulièrement son autoportrait à l'huile, une preuve du talent de Babadjanian. Mais ce n'est pas en tant que peintre qu'il fut célèbre.

Né de parents arméniens, très doués pour la musique, une mère qui chantait admirablement, un père qui jouait du violon et des autres instruments folkloriques avec talent, le jeune Arno développa favorablement son goût pour la musique.

Il suivit ses premiers cours au Conservatoire d'Erevan avec le professeur Vartkès Talian (1896-1947) qui lui enseigna le sens de l'histoire de la musique arménienne, insistant en même temps pour qu'Arno étudie également les traditions folkloriques de son pays.

A cela s'ajoutait la musique du grand compositeur et ethnomusicologue Komitas Vartabed, dont le destin fut si tragique (1869-1935).

 


Statue de Arno Babadjanian - Erevan - Juillet 2003
Photo : Rev. Fr. Dr. Kh. Boghossian


Durant sa jeunesse, Babadjanian fut l'heureux témoin de l'occidentalisation de la musique d'Arménie, grâce à la création de la Philharmonie Arménienne, l'Union des Compositeurs arméniens, formée en 1932, et l'ouverture du Théâtre de l'Opéra à Erevan en 1933. La première de sa Symphonie n° 1 eut lieu en 1934.

En 1947, il fut diplômé du Conservatoire d'Erevan, et entra alors au Conservatoire de Moscou afin de pouvoir y étudier le piano avec l'un des plus renommés pianistes de Russie, le légendaire Konstantin Igoumnov (1873-1948).

Ce dernier avait été l'élève d'Alexandre Siloti, le même qui avait enseigné la musique à Rachmaninov, Anton Aresky, Serguey Taneyev et Mikhaïl Ippolitov-Ivanov. Le maître Igoumnov transmettra donc à Babadjanian une tradition musicale que peu de musiciens eurent la chance d'expérimenter. Avec Igoumnov, Babadjanian étudiera " Le Clavier bien tempéré " de J.S. Bach, les " Sonates " de Beethoven, les oeuvres de Chopin ainsi que celles des grands compositeurs russes Rachmaninov et Scriabine. Ce fut une époque de formation très rigoureuse pour l'élève qui, grâce à ses dons et des études approfondies devint un pianiste extraordinaire.

Parallèlement à ses études au Conservatoire de Moscou, Babadjanian étudia la composition avec Heinrich Litinsky (1901-1985) à la Maison de la Culture arménienne à Moscou. Litinsky était l'un des plus influents compositeurs-professeurs dans l'Union Soviétique. Il collabora à plusieurs livres importants sur la polyphonie (" Problèmes dans la Polyphonie " en trois volumes) et " Imitation dans le strict contrepoint ") . Ses élèves se comptaient au nombre de plus de 200 parmi lesquels Aleksandrov, Haroutiounyan, Khrennikov, Mirzoyan et Peiko. Il ne se contentait pas d'être seulement professeur, il était également un ethnomusicologue qui donnait à ses élèves l'amour de leur musique native folklorique. Durant la période où il était l'élève de Litinsky, Babadjanian composa sa Sonate Polyphonique, oeuvre très expressive et puissante composée en 1946.

En 1950, Babadjanian retourne en Arménie où il enseigne le piano au Conservatoire d'Erevan jusqu'en 1957. Il partage son temps entre les concerts et l'enseignement, aussi sera-t-il mieux connu en tant que pianiste que comme compositeur. En 1950, il écrit " La Ballade Héroïque ", une de ses plus belles oeuvres pour piano et orchestre. Cette oeuvre romantique fait partie d'une série de variations symphoniques pittoresques dont le racines se trouvent dans le folklore arménien. Elle est pianistiquement proche du style de Rachmaninov. Babadjanian est toujours resté proche de ses racines nationales.



Statue de Arno Babadjanian - Erevan - Juillet 2003
Photo : Rev. Fr. Dr. Kh. Boghossian

 

Des liens profonds unissaient Babadjanian et Haroutiounyan qui leur permirent de composer ensemble " La Rhapsodie Arménienne pour deux pianos ", oeuvre merveilleuse et enchanteresse , 'dont les premières mesures pourraient faire croire à une berceuse, mais qui évoluent rapidement vers une danse entraînante, au rythme caractéristique de la mesure à cinq-huit' (Ronald Weitzmann).

Avec son ami, il jouera maintes fois cette rhapsodie. Haroutiounyan avait également suivi les cours de Litinsky à Moscou.

Il avait reçu un prix à Moscou pour son oeuvre " Cantate pour le pays natal " pour voix solistes, choeur et orchestre.

En 1971, Babadjanian fut nommé Artiste du Peuple de l'U.R.S.S.


Babadjanian n'était pas un compositeur prolifique, ayant passé plus de temps comme concertiste et professeur. C'était un mélodiste achevé et la plupart de ses oeuvres ressemblent au côté romantique de Chostakovitch. Ses compositions sont également influencées par Rachmaninov et Khatchatourian, et dans ses compositions virtuoses, figurent des parties dominantes expressives. Ses oeuvres 'tardives' dénotent un certain chromatisme similaire à celui de Prokofiev, des rythmes bartokiens et de la dodécaphonie comme dans l'oeuvre de Schoenberg. Sa technique de variations plonge ses racines dans l'ornementation folklorique et ses rythmes irréguliers 'sautillants' de la musique paysanne.. On en trouve de beaux exemples dans sa Sonate pour Violon, produite en 1959, suivie par son Concerto pour Violoncelle, dédié à Mstislav Rostropovich et 'Shest' Kartin pour piano.

Babadjanian composa aussi beaucoup pour le cinéma. C'est après le succès de sa musique dans le film " Chanson du premier amour ", devenue si populaire, qu'il décida de devenir auteur compositeur de chansons.

Babadjanian était connu dans toutes les républiques soviétiques et ses chansons des années 60 et 70 furent interprétées par des chanteurs de toute l'Union Soviétique ainsi que par de nombreux chanteurs à l'étranger. Il avait une grande joie de vivre, un sens de l'humour, et un coeur généreux, qui lui permirent de composer ce genre de musique.

Citons encore quelques oeuvres magnifiques dont son extraordinaire " Trio pour piano ", suivi du Poème-Rhapsodie pour orchestre, et parmi ses dernières compositions " Six Tableaux pour piano " (1965) " Le Troisième Quartet pour cordes " (1979) et enfin, le " Nocturne pour piano et ensemble de jazz symphonique " (1981).

Après la mort du compositeur, ses amis et familiers, en particulier son fils Araïk ont mis sur pied une fondation en son nom en vue d'aider de jeunes talents dans diverses disciplines artistiques. La fondation organise des concerts et des festivals à grande échelle pour sa musique.

Nous adressons nos remerciements au Père Khatchadour Boghossian, qui lors de son voyage à Erevan l'an dernier nous a envoyé les photos de la statue d'Arno Babadjanian. L'emplacement et le style de cette statue avaient été très controversés il y a deux ans (cf. Noyan Tapan n° 39 - 30/9/2002 - article de Ruzanna Bagratunian).

Nous remercions également Irène Riva pour sa collaboration à la biographie d'Arno Babadjanian, qu'elle a trouvée dans ses lectures, ses recherches dans le web, et ses propres connaissances musicales. Irène est une élève de Serguéi Leschenko, professeur de piano de Saint-Petersbourg, et prépare actuellement une Histoire de la Musique.